Grim - Chapitre 2

Original Painting by Chet Zar

Deux...

Seule une veilleuse diffusant des étoiles multicolores illuminait la petite chambre. Ancien comble, la pièce était recouverte de lambris et ressemblait à une cabane construite en haut d'un arbre. Le seul élément décoratif de la pièce était une grande fresque qui occupait un pan de mur entier, juste en face du lit. Un champ de coquelicots avait été représenté avec des montagnes au loin, le tout sous le couvert d'un ciel finement doré. La peinture faisait l'effet d'une fenêtre ouverte sur un monde enchanteur. Pourtant, la petite fille ne l'aimait pas beaucoup et avait maintes fois demandé à son père de la recouvrir. Ce dernier avait refusé à chaque fois au plus grand désespoir de l'enfant.

En réalité, la peinture lui faisait peur... Peur car parfois, certains brins de coquelicots étaient agités d'une brise. Ils ondoyaient comme si la terre se chargeait de toute cette vie qui la recouvrait et en soupirait de plaisir. Et ça, Ophélia n'appréciait pas. Les peintures n'étaient pas sensées faire cela. Ce n'était pas normal.

Alors qu'elle fixait ladite fresque, l'enfant aperçut un mouvement dans les fleurs carmins. Elle était prête à le jurer, une forme était en train de se glisser à travers les brins. Inquiète, elle enserra Grim. Aussitôt, une vague de chaleur la rassura. Sa peluche avait ce pouvoir de la réconforter peu importe ce qu'il advenait. D'ailleurs, les brins de coquelicots étaient redevenus immobiles. Comme étaient supposés l'être les détails d'une peinture.

Ce genre de choses arrivait fréquemment. Même si la petite y était habituée, elle n'en restait pas moins effrayée à chaque fois. Sa chambre grinçait, le plancher craquait, du vent glissait à travers les murs, des objets chutaient sans explications... Pour l'instant, tout était redevenu calme mais cela ne durait jamais très longtemps. Et Ophélia en était persuadée, tout était de la faute de cette maudite peinture.

Ses yeux s'apprêtaient à se fermer lorsqu'elle entendit un bruissement derrière un tas de livres.

Le son provenait du recoin le plus sombre de la pièce. Celui coincé entre la fresque aux coquelicots et la porte. Cette fois, c'en était trop ; Ophélia se redressa sur son lit. Elle tenta de distinguer ce qui avait pu produire de ce bruit mais l'obscurité l'empêchait de voir quoi que ce soit. En revanche, ses oreilles elles, percevaient beaucoup de choses : ça grattait, cognait, déchirait des pages. A un moment, un carnet en tomba, suivi de plusieurs fascicules. Un long silence emplit la petite chambre, Ophélia retint son souffle. C'est alors qu'il émergea de l'ombre; la silhouette grandissant au fur et à mesure. De forme humaine, il était habillé d'un long imperméable noir et d'un chapeau haut-de-forme. Son visage était dissimulé derrière un masque à gaz métallique uniquement percé en son centre d'un monocle lumineux tel un cyclope. Aucune parcelle de sa peau n'était visible mises à part quelques rides verdâtres et rouillées au niveau du cou.

Ophélia poussa un petit cri, surprise. Elle se tassa contre son oreiller et replia ses jambes contre son buste. L'inconnu avança vers elle, la main tendue. Il n'avait pas de forme définie. Comme s'il n'était pas solide. Comme si, il n'était pas achevée. Sa tête s'allongeait avant de raccourcir, ses contours étaient flous. Son souffle était rauque ; l'air qu'il respirait provenait d'une paire de bouteilles à oxygène fixées dans son dos par des lanières de cuir.

• Ne le regarde pas, chuchota une voix.

Ophélia jeta un regard effaré autour d'elle sans comprendre.

• Tu ne crains rien, serre moi contre toi.

La petite baissa les yeux et vit que Grim s'était animé. La peluche se colla contre elle et l'enlaça du plus fort qu'elle pouvait. Sans réfléchir, Ophélia ferma les yeux et lui rendit son étreinte. Blottis l'un contre l'autre, les deux amis entendirent l'apparition grogner dans leur direction. Cependant, lorsque l'enfant ré-ouvrit les yeux, le monstre avait disparu.

• Qu'est-ce-que... commença Ophélia.

• Plus tard, la coupa Grim, « Ça » a commencé.